Totus marialus est carmélus

Le Carmel est totalement marial

 

 Introduction

Le Saint Père Paul VI précisa que « La Vierge Marie occupe dans l'Eglise, la place la plus élevée après le Christ,  et nous est très proche »1. En effet, pendant l'Eucharistie, les prières à l’attention de l’Immaculée Conception la  font figurer avant les apôtres, les martyrs, les docteurs et les saints. La dévotion à Marie est présente dans tous les  ordres monastiques. Un adage ancien dans l'Ordre des Carmélites déclara « "Totus marialus est Carmélus" signifie  que « Carmel est totalement marial ». La question qui s'impose est de savoir de quelle manière la Sainte Vierge, « unie indissociablement à l'œuvre salvifique de son Fils » imprègne par sa présence, la vie des carmélitains. J'insisterai sur le fait que chaque mot de l'adage est porteur d'un sens spirituel spécifique. Cependant, l'indissociabilité de ces  quatre mots confère à la spiritualité carmélitaine toute sa signification. C'est ce à quoi mon analyse de cette devise  s'efforcera de montrer. 

 

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La Vierge du Mont Carmel

 

 

 

 

 

 

 

 

1.Totus marialus est carmélus, synthèse de la pensée carmélitaine 

 

  1.1 Signification spirituelle de l'adage

  Totus en latin signifie total. Dans la pensée carmélitaine ce mot signifie que le Carmel est totalement marial. On  le trouve dans le « Totus tuus » qui signifie en latin « Tout à toi » (Marie). C'est la devise que s'est choisi Karol  Wojtyla en 1958 lorsqu'il est nommé évêque. En effet, le Pape Jean Paul II déclara, après avoir lu les écrits de  Louis-Marie Grignon de Montfort : « Alors j'ai compris que je ne pouvais pas exclure la Mère du Seigneur de ma  vie sans désobéir à la volonté de Dieu- Trinité »2. Totus englobe donc toutes les dimensions de la vie des moines  et moniales de l'Ordre des Carmélitains : les temps d'oraison, la vie en communauté mais aussi les instants  personnels consacrés à la lectio divina.

 Marialus est un adjectif qui qualifie le Carmel lui-même, c'est à dire l'ensemble de l'Ordre. « Ils n'ont pas de vin  » sont des paroles constantes adressées à Dieu par les membres de la Congrégation. Cette demande de Marie à  son Fils « Ils n'ont pas de vin »3 aux Noces de Cana montre que Marie est pleine de sollicitude pour nous. En  parfaite épouse et mère admirable, elle n'est pas insensible à notre condition de pêcheur. Elle intercède auprès de  son Fils afin qu'il nous vienne en aide. De prime abord, la réponse du Seigneur peut paraître surprenante :Femme que me veux- tu? ? Mon heure n'est pas encore venue”.4 Mais Marie connaît bien la volonté de Dieu le Père  et nous convie à suivre ses pas : «Tout ce qui vous dira, faites -le ! »5. Elle invite les serviteurs à faire confiance à  son Fils. 

 Est dans cette énonciation est à considérer dans son sens le plus haut. Il constitue selon le Père Raguis le « secret du Carmel ». Le carmel a une identité spécifique. En effet, l'origine du Carmel est mystérieuse, au sens plein du terme et qu'il faut remonter jusqu'à une inspiration divine pour la découvrir. Entendons par là que la teneur de  ce secret n'est pas d'emblée compréhensible, du moins par la raison seule. C’est qu’on appelle le “sensus fidéi,6  c’est à dire le sens de la foi. Accéder au mystère de dieu nécessite l’effort conjugué de la foi et de la raison. Sainte Thérèse d’Avila l’exprime de cette façon : ” Il est des choses que le cœur sent, mais que la parole et la pensée ne  peuvent arriver à rendre.”7 Pour connaître sa teneur, la spiritualité carmélitaine nécessite d'être vécue. D'après la  Règle de Saint Albert cette vie profonde est à rechercher dans le travail et le silence de la cellule. C'est un véritable  

1 Vatican II, Lumen Gentium 54 

2 8èmeColloque International de Mariologie, Jean Paul II, 2000 

3Jean 2,3 

4 Ibid 2,4 

5 Ibid 2,5 

6 Sensus Fidéi : Le « sens de la foi » (« sensus fidei ») est un « instinct spirituel » qui permet aux croyants de reconnaître, au milieu des  opinions du monde, la voix authentique du Christ. L’expression « instinct spirituel » peut étonner. Elle signifie simplement que le  « sensus fidei n’est pas une connaissance par concepts et procédures rationnelles propre à la théologie. C’est une sorte de connaissance  spontanée, inspirée par l’Esprit Saint, une perception intérieure de ce qui est juste, vrai et bon"7. 

 

7 Note, p.158 du MSA, Œuvres Complètes, Paris, Cerf, DDB, 199

8 www.famillechretienne.fr · foi-chretienne :Qu’est-ce que le « sensus fidei » ou « le sens de la foi

 

combat spirituel auquel doivent se livrer les moines et les moniales. C'est ce qui fait dire à Paul Marie de la Croix  :« Vouée au service de l'amour, l'âme ne se contentera pas de l'aimer ; il faudra encore qu'elle l'expérimente, le  pâtisse, et soit transformée en lui.»9

 Le mot carmélus est le quatrième terme de ce dicton. Cependant, il est en relief par sa valeur métaphorique. En me référant aux sources de VIKIPEDIA imont Carmel, en hébreu ,ל ֶמ ְרַכַה רַה Har HaKarmel, signifie littéralement en français « le vignoble de Dieu ». La  Bible fait surtout allusion au mont Carmel comme un symbole de beauté et de fertilité. Cependant on ne peut  parler du Carmel sans se référer au Prophète Elie. Sans en être véritablement le fondateur au sens strict de ce mot,  de l'Ordre Carmélitain, il en a néanmoins insufflé l'esprit. D'ailleurs la Règle en usage chez les Carmes déchaussés  fait mention : « Près de la source d'Elie »9. Sur le plan spirituel, c'est un mont de perfection au sommet duquel  l'âme pourra s'unir avec Dieu. En effet, Saint Jean de la Croix dans sa montée du Mont Carmel décrit le chemin  qui mène vers Dieu par les purifications actives de l'âme. 

 

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monastére

 

 

 

1.2 Traduction de cette dévotion à Marie 

  Historiquement « Totus, marialus est carmélus » trouve son enracinement au XIIème siècle. Des hommes de cette époque choisirent de vivre dans les grottes du Carmel, à la recherche de Dieu. Ils s'inspirèrent pour cela des  prophètes Elie et Elisée, qui d'après la tradition, auraient vécu dans ces lieux et auraient fondé « une école de  prophètes » Ces moines ermites qui résidaient dans ces grottes, ont voulu institutionnaliser leur structure, en  voulant être appelés officiellement sous le nom de « Frères de la Sainte Vierge Marie » Cette appellation revêtait  aux yeux des moines, un sens particulier. Cependant si nous remontons à l'aube du christianisme, nous apprenons qu'il existait sur le Mont Carmel un oratoire dédié à la Mère de Jésus Christ. Ce que nous pouvons retenir en tout  cas, c'est que depuis l'époque élianique, il a vingt- neuf siècles, le Carmel était un lieu de prière. Dans la période  médiévale, certains ont voulu voir, la préfiguration de Marie, la messagère de la grâce divine après la très longue  et terrible aridité apportée par le péché. De quelle manière, celle qui d'après l'évangéliste Saint Luc, » conservait  avec soin toutes ces choses en méditant dans son coeur »10 a pu toucher à ce point, le cœur des carmélitains ? 

Tout d'abord cette vie imite la vie simple de Marie à Nazareth : une vie entièrement consacrée à Jésus Christ. En effet, le totus marial est christocentrique. Le Vénérable Pape Paul VI, en promulguant la Constitution Lumen Gentium, le 21 novembre 1964, insistait sur l’importance du chapitre VIII concernant la bienheureuse Vierge  Marie dans le Mystère du Christ et de l’Eglise. Il le présentait comme le « sommet et couronnement » de toute  cette Constitution Dogmatique sur l’Eglise. La forme la plus puissante de dévotion à la Mère de Dieu s'exprime  dans l'imitation donc de ses vertus, dans son ouverture à la Volonté de Dieu, aux inspirations de l'Esprit Saint et  dans son service total et son amour de Jésus. Le père Stéphane- Marie- Morgain va dans le même sens que les  écrits pontificaux. Il déclare : « Toutes les vertus de Marie sont destinées à être reproduites : l'humilité, la foi, la  douceur, l'esprit d'oraison, le courage dans l'adversité, le silence, la souffrance, la simplicité, l'amour »11. C'est sur  ce chemin que Sainte Thérèse d'Avila s'engagea également en voulant le retour de la Règle primitive de l'Ordre  dans sa réforme du Carmel. Cette imitation de l'Immaculée Conception se traduit jusqu' à dans le port du scapulaire. Cet habit n'est pas uniquement un signe d'apparence extérieure. Comme précise le Père Raguis il faut voir dans ce vêtement marial toute sa dimension intérieure. Cet habit nous rappelle notre vêtement du baptême. Il est signe de conversion et rappelle constamment notre engagement à aimer Dieu et aimer nos semblables. Revêtir quelqu'un c'est lui témoigner de la sollicitude et du respect. Cet habit revêt un sens particulier chez Sainte Thérèse d'Avila. Elle l'exprime de cette manière :« […] il me sembla qu'on me revêtait d'un vêtement d'une grande  blancheur. Je ne vis pas d'abord qui m'en revêtait, mais je vis ensuite Notre Dame à ma droite, et mon père Saint  Joseph à ma gauche me couvrir de ce vêtement.»12 La dévotion à Marie passe aussi par de nombreuse fêtes et  solennités organisées à son intention. Chaque année, le 16 juillet est commémorée le don du scapulaire fait en  1251 à Simon Stock, général de l'ordre. La Salve Régina est chantée pour clôturer la semaine écoulée. 

 

9 Paul Marie de la Croix, o,c,d, Editions du Carmel, Existentiel, Toulouse, 2001, page 122 

10 La Règle de l’Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel, Père Martin Batmann, O.C.D, DDB, 1982, page 79 10 Luc 2, 19 

11 Stéphane Maire- Morgain, Prières du Carmel, Paris, Seuil 2009, p.36 

12 Thérèse d'Avila, Oeuvres complètes, texte français de Marcelle AUCLAIR, Paris DDB, pp 247-248

 

 

CONCLUSION

 Cette analyse montre que la vie au Carmel est une «Vraie vie de dévotion à Marie ». Cependant toutes les grâces de Marie viennent du Christ et conduisent au Christ. En effet, en imitant l'Immaculée Conception, c'est le  Verbe Incarné qui vit dans le cœur des sœurs et frères de l’ordre carmélitain. Ils se laissent habiter par la Parole de Dieu. La communion avec Marie est indissociable du Mystère pascal de son Fils. C'est une communion à la kénose  du Christ. Ainsi « brûlé de Dieu » chaque carmélitain est convié à se désapproprier du monde matériel, à s’émanciper  de tout qui exclut la vie du Christ en lui. Ce renoncement implique que chaque moine ou moniale doit se décentrer de lui-même pour se rendre disponible pour Dieu et son prochain.

                                                                                                                              THEO   LOGOS DE LA CROIX

                                                                                                                                                                           

 

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Date de dernière mise à jour : 22/03/2025

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